Capitalo·techno·craties : 50 nuances de surveillance
Cet article a été publié dans le n°22 de la collection Passerelle : Démocraties sous pression éditée par Ritimo.
La publication complète est accessible et téléchargeable en ligne ici.
Texte sous licence CC-BY-SA.
Depuis les révélations d’Edward Snowden en 2013, il n’est plus possible de nier le système de surveillance globale mis en place par la NSA. Des alliances entre États (telle celle des Five Eyes - alliance des services de renseignement de l’Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et des États-Unis) permettent de contourner les lois garantissant les droits des personnes et d’effectuer des analyses de réseaux sociaux extrêmement détaillées sur leurs citoyens. La France n’est pas en reste et s’affirme experte en matière de techniques de renseignement, qu’elle exporte très volontiers, tout particulièrement en Afrique1. Réciproquement, elle pourra utiliser les services d’entreprises étrangères, en particulier américaines : quelques semaines après l’attentat contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, Palantir ouvre ainsi une filiale française et conclut un accord avec la DGSI.
Que s’est-il donc passé, pour que des « démocraties » comme les États-Unis, la Grande-Bretagne ou la France développent et utilisent le même type d’outils de contrôle de leurs populations (reconnaissance faciale, biométrie, drones, surveillance et fichage à grande échelle…) que des systèmes autoritaires comme la Chine, la Russie ou les dictatures arabes ?
On pourra commencer par remarquer que ces États ne sont pas stricto sensu des démocraties et ne l’ont jamais été. Le concept de démocratie « représentative » est déjà, en lui-même, une négation de la notion de démocratie2. Nos « démocraties » occidentales sont en réalité des oligarchies assez proches, pour certaines, d’États policiers3. Nos « représentants » sont ceux du système en place et le pouvoir, en système capitaliste (puisque le capitalisme est devenu en à peine deux siècles le système économique de la plupart des pays de la planète), c’est l’argent. Exemple caractéristique parmi d’autres, en France, les média dominants (dont le rôle majeur dans les élections et plus généralement dans la fabrique de l’opinion n’est plus à démontrer, surtout depuis les dernières présidentielles) sont possédés par une petite dizaine de milliardaires. On aura également une pensée pour le fond de pension Black Rock dont des représentants ont été royalement reçus par l’Élysée à l’heure de la réforme des retraites4. Un degré au-dessus des grands patrons français facilitant en quelques mois l’accès de l’actuel président au pouvoir grâce aux media qu’ils contrôlent, nous trouverons Cambridge Analytica, entreprise qui favorisa, en ciblant des populations de votants « indécis » et les bombardant d’infox afin de les faire basculer du bon côté, outre l’adoption du Brexit en Grande Bretagne, l’élection de Trump aux USA…
La révolution industrielle et le développement d’entreprises au niveau supranational a conduit au développement d’outils techniques toujours plus puissants de calcul, gestion et diffusion de l’information (ordinateurs, bases de données, réseaux télécom...) : un ordinateur, c’est à la fois un outil de rangement (une machine pour faire de l’ordre), de fichage (on parle de fichiers, que l’on range dans des dossiers…) et de calcul (computer) - tout ce qu’il faut pour bien diriger une entreprise ou un État. Les techniques déjà bien rôdées du management5, du renseignement-espionnage et de la propagande publicitaire6 ont pu opérer, grâce à ces nouveaux outils, un saut quantitatif et qualitatif tant au niveau de la récolte que du traitement des données, induisant un véritable changement d’échelle en termes de contrôle (que ce soit par la manipulation ou la contrainte) des populations. Il n’aurait pu y avoir de Big Data sans Big Databases ni de Big Brother sans Big Tech.
À titre de comparaison, les moyens effectifs dont dispose actuellement la NSA se situent neuf ordres de grandeur au dessus de ceux de la Stasi qui, soumise à l’embargo des pays de l’Ouest, continua à classer des fiches bien matérielles dans des dossiers tout aussi matériels jusqu’en 1989, à l’époque où Tim Berners-Lee inventait le web… L’informatique est en effet longtemps restée le quasi-monopole des capitalocraties occidentales7 (pointons en passant le rôle peu glorieux d’IBM pendant la seconde guerre mondiale dont la technologie de cartes perforées permit, outre le management des camps d’internement des Nippos-Américains, également celui des camps nazis…).
Le système capitaliste, grand vainqueur au niveau mondial, ne pouvait que continuer à obéir à sa logique interne : maximiser toujours plus les profits, rechercher toujours de nouveaux moyens de croissance. Or, à partir des années 70, la crise pétrolière, succédant aux « trente glorieuses » lança la quête vers de nouvelles ressources. Ce sera bientôt la ruée vers ce nouvel or noir que sont les données personnelles, avec l’avènement progressif des techniques d’extraction et d’analyse afférentes8 dont les nouveaux gadgets technologiques (puisqu’il en faut toujours de nouveaux, toujours plus éphémères, selon cette idéologie maladive de la croissance sans fin et du progrès qu’on ne peut raisonnablement arrêter) seront les premiers « aspirateurs » (on pense aux smartphones, aux « assistants personnels », bientôt aux voitures, et plus généralement à tous ces « objets connectés » dont on tente de nous convaincre chaque jour qu’ils nous sont absolument essentiels). Notons que l’abandon des mesures contre les monopoles aux États-Unis a favorisé, pile au moment où les technologies autour du numérique et d’Internet étaient en plein boom, la formation des géants de la tech tels que nous les connaissons aujourd’hui9 - et sur lesquels nous avons parfois tendance à rejeter toute la faute, alors que c’est sur le système (capitaliste) qui les a produits, qu’il faudrait concentrer nos critiques10.
Soulignons que lorsqu’une entreprise commence à avoir une suffisamment forte emprise sur une population, un réseau ou un marché, les États se tournent naturellement vers elle pour récupérer les informations dont ils ont besoin (par exemple, la NSA dispose d’accès directs aux données hébergées par les géants de la tech ; en France, le déploiement de « boîtes noires » sur le réseau des hébergeurs et des opérateurs a été approuvé…) : il y a donc ici double potentiel d’exploitation, à la fois économique et politique, des nouveaux outils de surveillance. Il s’agit, dans les deux cas, de mieux contrôler, de manière à perpétuer le système (maintien de la croissance, maintien du pouvoir).
Et comme la logique du capitalisme est de tendre vers toujours plus de profit, que la logique du pouvoir est de tendre vers toujours plus de contrôle, qu’il existe une sorte de force de gravitation de l’argent qui, sans gardes-fous, tend à s’accumuler de plus en plus en de moins en moins de mains, que les garde-fous sont en conséquence progressivement mais systématiquement levés 11, on assiste ces dernières années, suite à ce changement d’échelle lié à la technique et cette mutation du capitalisme au contact d’outils toujours plus performants, à un emballement de la machine par rétroaction positive : toujours plus de données supposent toujours plus de surveillance, de capacité de stockage et d’analyse, et le développement de techniques toujours plus intrusives dans l’intimité des personnes.
Ce tableau (noir) ayant été très succinctement brossé, venons-en à la question qui fâche : est-ce vraiment si grave que cela ? Après tout, quoi de plus « normal » qu’on ait un petit prix à payer pour toutes ces merveilleuses technologies qui ne cessent d’améliorer notre quotidien dans tous les domaines, d’autant que l’information obtenue par la surveillance permet, d’une part l’enrichissement et le perfectionnement de notre « expérience utilisateur » et, d’autre part, un meilleur contrôle, et par conséquent un meilleur fonctionnement, de l’entreprise ou du pays ?
On pourrait s’en tirer simplement en disant d’aller interroger à ce sujet (par exemple) les militant·e·s écolos12 ou les Ouighours. Mais tentons une analyse un peu plus poussée, à la fois au niveau individuel et collectif, des conséquences à plus ou moins court terme d’une telle surveillance de masse.
Avec cette nouvelle source de profit des données personnelles, les individus deviennent à la fois sujets et objets, consommateurs et produit de consommation - consommateurs et consommés. On n’observe plus uniquement un individu en tant que tel mais aussi en tant que prototype : l’objectif étant de parvenir à prédire les comportements, et par là peaufiner les techniques de ciblage, d’influence-consentement ou d’addiction.
L’extraction des données personnelles conduit à une surexposition continuelle des personnes : éclairées de toutes parts, observées sous toutes leurs facettes, elles en viennent à perdre leur part d’ombre, et avec elle, leur profondeur (un tableau sans ombre, c’est un tableau plat). On s’habitue à la surveillance, à être transparent·e. Transparence du verre des openspaces, écrans sans tain derrière lesquels on télé-travaille en permanence (même sans key-logger) pour les grandes entreprises qui nous surveillent (trackers sur les sites, systèmes d’exploitation intrusifs). Et comme les informations fournies par les données personnelles peuvent avoir des répercussions absolument non négligeables sur l’emploi, le crédit, les assurances…, cela conduit à une normalisation des comportements même si on n’habite pas dans un pays au régime aussi autoritaire que celui de la Chine. Les personnes finissent par se mettre littéralement « en scène », en particulier sur les réseaux sociaux, afin d’optimiser les « récompenses » (likes, « amis »…) et peaufiner leur graphe social. Cela demande un investissement de tous les instants, d’autant que les outils utilisés emploient des techniques favorisant l’addiction afin que les personnes restent le plus longtemps possible sur leur plateforme (concept d’« économie de l’attention » qui traite le temps et l’attention des consommateurs comme une ressource rare dans un contexte d’offre abondante).
Perte de profondeur, de temps, et aussi de complexité, car la numérisation implique une simplification de l’individu qui doit pouvoir être rangé dans des cases. L’étape d’après étant d’inciter l’individu à se simplifier, lui et les contenus qu’il produit, afin de pouvoir être rangé dans des cases (par exemple, les « bons » articles, ceux qui seront correctement référencés sur le moteur de recherche de Google, devront obéir à un certain nombre de critères-contraintes). Cela conduit à un appauvrissement des contenus, à la fois en forme et en fond ainsi qu’à un éclatement-morcellement de l’individu. Ce ne sont plus des humains que l’on traite, mais des sortes d’assemblements monstrueux aboutissant à une image nécessairement réductrice et déformée de la personne initiale. Fragmentation récemment accentuée par l’isolement physique des personnes : la société sans contact mise en place par la crise du Covid se confine toujours plus dans ses bulles de filtre. Le tout étant traité par des algorithmes finalement assez bêtes et d’autant plus biaisés qu’ils sont majoritairement codés par une population masculine, blanche et généralement issue des classes aisées. Pourtant, ce sont ces mêmes algorithmes qui prétendent nous connaître mieux que nos proches voire nous-mêmes, et par conséquent, d’une part être à même d’influencer nos comportements de manière significative et d’autre part, pouvoir décider si l’on doit nous « punir » avant même que l’on soit éventuellement « coupable » dans les faits : on calculera ainsi la probabilité qu’on soit en mesure de rembourser un crédit, notre risque à contracter une maladie, ou à commettre un crime.
Or on a beau tenter de contrôler son identité numérique, il y a des données qui restent difficilement maîtrisables : celles de santé (prisées tout particulièrement par les assurances et les employeurs), d’orientation sexuelle, religieuse, politique ou militante (plus ou moins critiques suivant les pays). C’est parfois à cette occasion que l’on peut découvrir que l’on a bien des choses à cacher (et ce y compris en « pays des droits de l’Homme » , où certains décrets commencent à être poussés au nom de la sécurité publique).
D’autant que les données personnelles peuvent très facilement tomber en d’autres (mauvaises) mains : que ce soit celles de militants d’extrême-droite allemande récupérant des fichiers de la police ; d’un·e conjoint·e abusif·ve (les outils permettant d’espionner un ordinateur - ordiphone, activités en ligne, faisant flores), de « pirates » exploitant les trop nombreuses failles de sécurité des objets connectés (caméras de surveillance, assistants vocaux…) ; de larges bases de données accessibles en clair (ou tout comme, faute de sécurisation suffisante) sur Internet, ce qui peut ensuite mener à des chantages pour que les données récupérées ne soient pas plus amplement diffusées…
Mais quels que soient les mauvais côtés de ces gadgets que l’on nous fourgue à prix d’or et qui durent toujours moins longtemps (obsolescence programmée), il n’est pas question d’arrêter d’en produire. Ce serait comme demander d’arrêter le progrès ! Naturellement, il s’agit de problèmes temporaires que les améliorations de la technique finiront par résoudre (logique qu’exprime l’idée de« techno-solutionnisme ») - tout comme les déchets nucléaires ou le réchauffement climatique.
Cerise sur le gâteau en termes de contrôle, Internet, ce sont les routes et il n’y a rien en dehors : cela diminue d’autant les possiblités de prises de maquis. Le territoire numérique est ainsi théoriquement13 beaucoup plus facile à maîtriser que le territoire physique (il « suffit » de contrôler les routes). Raison supplémentaire pour scander le TINA technologique : numérisation forcée, « dématérialisation » toujours plus poussée, déplacement du centre de la production toujours plus vers l’intérieur et l’intime des personnes (pour mieux te connaître, mon enfant). La crise du Covid est en cela exemplaire : elle a permis de forcer en quelques mois la généralisation du télé-travail et du télé-enseignement, profitant de la vulnérabilité des populations pour imposer les techniques de télé-surveillance afférentes.
Après la carotte des nouveaux gadgets technologiques qui ont commencé à habituer la population à la surveillance, la faisant accepter comme, sinon normale, du moins inévitable (TINA !) pour qui souhaite bénéficier des bienfaits du progrès, on commence donc à se prendre le bâton. C’est qu’à partir du moment où une suffisamment large majorité des personnes est convertie14, on peut commencer à imposer les techniques aux autres (qui, si elles refusent, deviennent automatiquement suspectes : auraient-elles quelque chose à cacher ?15). Ce qui conduit à une mise à l’écart (et à l’index) toujours plus marquée des « brebis galeuses » qui ne souhaitent pas se conformer au système : celles sans profil Facebook, sans smartphone voire sans connexion Internet, auxquelles on rend la vie de tous les jours de plus en plus difficile - il faut bien résoudre la « fracture numérique » ! Le système décide ainsi de qui fait ou ne fait pas partie de la société, le but étant de resserrer toujours les mailles du filet, qu’il n’y ait à la fin, idéalement, plus d’échappatoire. Ainsi, en Chine, payer avec son smartphone est déjà obsolète : le must est de le faire directement avec son visage, ce qui nécessite de relier son compte bancaire avec ses données biométriques…
D’autant qu’à mesure que les défauts du système se font plus visibles (réchauffement climatique, augmentation massive des inégalités, épuisement des ressources de la planète, destruction de paysages et écosystèmes…), les résistances s’intensifient. Or l’une des caractéristiques de la nouvelle politique néolibérale est le passage en force. On ne négocie plus et la crise est le meilleur moment d’agir : on peut y voter des lois par procédure accélérée au motif de l’urgence (sanitaire ou terroriste, même « combat »).
Intensification du contrôle, donc. Mais accentuation du déséquilibre, aussi (et les deux vont évidemment de pair) : l’une des conséquences des techniques de l’économie de l’attention est en effet la multiplication des contenus extrêmes - qui alimentent, bulles de filtre obligent, à leur tour les extrémismes et complotismes de tous bords. À cela s’ajoute la gestion catastrophique des crises (conséquence logique de la destruction des outils sociaux : hôpitaux, organismes d’aide, éducation…) qui entraîne une perte de sens et de compréhension d’une grande partie de la population face aux apparentes16 incohérences de leurs gouvernants (et censément représentants), la crise du Covid étant ici encore particulièrement symptomatique (on remarquera par exemple qu’en France, en pleine pandémie, on continue de supprimer des lits d’hôpitaux).
Le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie mais son évolution par temps de crise disait Bertolt Brecht. Or la crise, c’est précisément le temps du néolibéralisme. On craint toujours que les outils ne tombent entre de mauvaises mains : et s’ils y étaient déjà ? À l’heure où, en France, on fait désormais ouvertement l’éloge de Pétain, on peut se le demander.
Alors, que faire ? On aura compris que le problème est systémique : il faut donc chercher à bâtir des solutions reposant sur des systèmes alternatifs.
Remarquons que les nouvelles technologies, si elles nous engluent dans la surveillance, peuvent également nous procurer des moyens de lutte extrêmement efficaces, en particulier en termes de sous-veillance ; or si le pouvoir, c’est le contrôle, en « démocratie », le contrôle doit être opéré par le peuple.
Et on observe aujourd’hui un basculement des forces en ce domaine : avec la généralisation d’Internet, le développement d’outils « de poche » (smartphones, gopro…) et de techniques de streaming en direct sur des plateformes dédiées, des individus lambda peuvent désormais filmer, photographier, témoigner et diffuser instantanément des contenus à relativement large échelle… ce qui met à mal les techniques de propagande habituelles du pouvoir. Jamais auparavant, par exemple, les violences policières n’avaient été aussi clairement mises en lumière alors qu’elles existaient déjà depuis belle lurette17 ; jamais les media dominants n’avaient été autant débordés par l’expression populaire sur les réseaux sociaux ; on s’informe à présent en priorité sur Internet, la communication officielle s’avère plus difficile à imposer, l’invisibilisation et la censure deviennent de véritables gageures face à l’effet Streisand.
Mais l’étau est en train de se resserrer ; on assiste par exemple en France à l’écriture de textes de lois toujours plus liberticides cherchant à reprendre le contrôle sur ce formidable terrain d’expression qu’est Internet (« haine » et anonymat en ligne, règles de modération très strictes imposées aux plateformes, coups de boutoir contre le chiffrement des messageries instantanées ou plus généralement contre le chiffrement de bout en bout…)18. Le débat autour de la liberté de filmer les forces de l’ordre est en cela extrêmement caractéristique : on a peine à comprendre que la question puisse seulement être posée en « démocratie »19.
Il est donc d’un intérêt vital, outre de continuer de se battre au niveau du contentieux afin de ralentir la casse et si possible établir quelques nouveaux solides garde-fous (et il y a parfois de belles victoires : par exemple, celle à la CJUE en octobre 2020 sur la rétention globale des données ou, plus récemment encore, celle sur les drones), de construire des alternatives aux plateformes et réseaux développés par les grandes entreprises, dont les fins sont économiques et par conséquent, malgré les déclarations de principe, souvent contraires à la protection des droits des individus, la liberté d’information ou la liberté d’expression : on le voit bien actuellement avec les censures toujours plus fortes exercées entre autres sur Facebook ou Twitter.
Multiplier, autant que possible, les routes est l’un des objectifs à poursuivre, afin de diminuer les « nœuds d’étranglement » du réseau et donc la censure par coupure. Mieux les contrôler collectivement, également. Et pour cela, lutter pour le développement de réseaux construits et gérés par et pour la population (Freifunk, Guifi.net, FFDN…). Se protéger sur les réseaux existants (Tor, Tails, chiffrement des communications…) ; développer des media indépendants (en particulier financièrement), des réseaux sociaux fédérés et interopérables (Mastodon…), des plateformes alternatives (PeerTube…), des hébergeurs basés sur d’autres modèles que la recherche de profit : solidarité, neutralité, partage des connaissances (CHATONS)…
Plus globalement, proposer des alternatives viables au système dominant qui en essaimant, pourront faire suffisamment masse pour changer la donne : réseaux communautaires (AMAP, coopératives…), associations d’entraide et de partage (GULL, repair cafés, hackerspaces)… L’idée est toujours de reprendre le contrôle, tant individuellement que collectivement : de son environnement, de sa nourriture, de sa connexion Internet, de ses données, de son informatique, de ses appareils…
Il s’agit véritablement d’entrer en résistance20 : contre un système malade qui est en train de s’effondrer, et qui en devient d’autant plus dangereux. Nous sommes à un moment de convergence de différentes luttes : pour les libertés et le droit à une vie qui ne soit pas uniquement circonscrite au travail ou la simple survie, les droits de chacune et chacun en tant que personne humaine, la protection de la planète, de sa faune et de sa flore… Il nous faut affirmer le collectif et l’autonome, reprendre confiance, et arrêter de se reposer sur des élites coupées de la réalité dont les dogmes paraissent de plus en plus questionnables. Quitter la dictature de la croissance et du progrès à tout prix. Revoir nos valeurs et ce qui fait vraiment sens, à long terme. Développer une éducation populaire pour contrer l’idéologie dominante (réseau ritimo, conférences gesticulées…). Inventer de nouvelles formes de résistance et fluidifier nos luttes. Déborder de ce cadre étriqué dans lequel on cherche à nous ranger. Ne pas se laisser confiner dans la virtualité. Se réapproprier les outils, les détourner à notre avantage. Partager nos expériences, s’inspirer de celles des autres (Catalogne, Black Panthers21, Grèce22, Rojava23, Chiapas…). Montrer que d’autres voies existent, les rendre visibles, par tous les moyens possibles (manifs, sites, tags, articles, affiches, vidéos… parapluies24!).
Une chose est sûre. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre.
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La PME française Amesys est accusée de complicité de torture en Lybie pour avoir fourni au régime de Khadafi, à partir de 2007, un système de surveillance des communications de la population libyenne ; même chose en Égypte. ↩︎
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Au XVIIIème siècle, « démocratie » était un mot péjoratif pratiquement synonyme d’« anarchie » (qui reste encore, pour beaucoup de personnes, péjoratif) : voir par exemple l’ouvrage Démocratie: Histoire politique d’un mot de Francis Dupuis-Deri. ↩︎
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Régime politique dans lequel l’accent est mis sur le contrôle de la population, au détriment des libertés individuelles. ↩︎
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Voir aussi l’excellent documentaire d’Arte : Ces financiers qui dirigent le monde – BlackRock ↩︎
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On lira à ce propos l’excellent ouvrage de Johann Chapoutot, Libres d’obéir - Le Management, du nazisme à aujourd’hui ↩︎
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On regardera avec profit le documentaire d’Arte Propaganda - la fabrique du consentement ↩︎
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Si les USA ont gagné la course à la Lune contre l’URSS c’est peut-être aussi grâce à l’ordinateur de navigation et de pilotage embarqué sur Apollo… ↩︎
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L’extractivisme, qui conduit inévitablement à l’épuisement des ressources, tant environnementales qu’humaines, est l’une des caractéristiques-clefs du capitalisme (on utilisera ainsi le qualificatif de minage - ainsi que de « preuve de travail » pour les techniques de cryptomonnaies...) ↩︎
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Tech was born at the moment that antitrust enforcement was being dismantled (Cory Doctorow, How to Destroy ‘Surveillance Capitalism’, voir aussi la traduction française [sur le Framablog](https://framablog.org/?s=detruire capitalisme surveillance) ↩︎
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Nous sommes arrivés à un point décisif où toute critique de la surveillance est de facto une critique du capitalisme - Christophe Masutti, Affaires privées, p 313. ↩︎
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Qu’est-ce que le néolibéralisme ? Un programme de destruction des structures collectives capables de faire obstacle à la logique du marché pur. (Bourdieu). Voir aussi la très inspirante analyse du sous-commandant Marcos publiée par le Monde Diplomatique. ↩︎
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Ces militant·e·s ont été presque aussi durement réprimé·es ces dernières années, que les militant·e·s anarchistes : les deux osent en effet questionner l’idéologie qui sous-tend le capitalisme, crime de pensée s’il en est. ↩︎
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Heureusement, en pratique, si le territoire est défini par les routes qui le parcourent, celles-ci ne sont pas toujours reportées sur les cartes… ↩︎
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C’est quelque chose d’important à comprendre, que lorsqu’on adopte une nouvelle technologie potentiellement intrusive (montres connectées, bracelets fitbit…), on n’engage pas que soi, mais potentiellement toute la société derrière. ↩︎
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On rappelle à toutes fins utiles ici que le veau d’or étant les données personnelles, toute chose cachée est par définition potentiellement une perte de profit (et de contrôle). ↩︎
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Sachant que le but ici n’est pas de bien gouverner, mais de surfer sur les crises et l’hébétement subséquent pour continuer à détruire les acquis sociaux, c’est plutôt cohérent si on y réfléchit bien. ↩︎
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On lira avec profit sur ce sujet l’ouvrage de Mathieu Rigouste : La domination policière : Une violence industrielle. ↩︎
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Ce qu’il se passe en ce moment est à rapprocher avec le vote des lois scélérates à la fin du XIXème siècle : on consultera à ce propos les très intéressant ouvrage de Raphael Kempf Ennemis d’État. ↩︎
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Mais nous avons déjà vu que nous n’étions pas en démocratie, la logique est donc sauve. ↩︎
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On pourra consulter à ce propos le podcast autour de l’ouvrage Full Spectrum Resistance. ↩︎
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Voir à ce sujet l’excellent documentaire d’Agnès Varda. ↩︎
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Voir à ce sujet le magnifique documentaire de Yannis Youlountas. ↩︎
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Voir à ce propos le stimulant documentaire The Communes of Rojava : A Model In Societal Self Direction. ↩︎
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Voir aussi la « révolution des parapluies » en 2014 à Hong Kong. ↩︎
Publié le 14/02/2021
Dernière édition le 14/02/2021